Voici un nouveau livre dont le titre ” Voyages en Effondrements ” ne va pas sans me rappeler le mien ” Voyages en Emergences “.
Regarder la société qui s’effondre plutôt que de discerner les pousses qui façonneront la prochaine c’est comme voir la finitude d’une personne, quel que soit son âge, plutôt que son potentiel, son devenir, y compris, pourquoi pas, au-delà de la mort. Regarder la société qui s’effondre c’est oublier l’impermanence de toutes nombre de choses. A ce sujet voir l’opposition entre Bouddhisme et philosophie hindoue Nyâya.
Effondrements et Aimergences représentent à mon sens les deux faces d’une même pièce, ils sont intimement liés… La question reste celle de l’enthousiasme, de la posture, de la foi qui nous amènent à plutôt à s’intéresser à ce qui naît ou à soi même créer sans pour autant oublier notre finitude et celle de nos sociétés !
Cela me fait penser au très beau texte de Tristan Garcia récité dans l’émission Boomerang de France Inter : https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-03-janvier-2019
Aimer ce qui commence et ce qui finit
« J’aimerais être capable de ne jamais confondre les aurores et les crépuscules, ce qui commence et ce qui finit. Je voudrais les distinguer pour n’humilier, ni les uns et les autres. En politique, en art, en amour, et en amitié, il arrive sans cesse qu’on prenne le début de quelque chose pour la fin d’autre chose et une mort pour une naissance. On déplore un déclin et on ne voit plus ce qui grandit. Ou bien au contraire on devient obnubiler par de nouvelles formes d’existence, des mutations perpétuelles et on ne perçoit plus ce qui dans cette transformation est en train de mourir.
Sans cesse, on n’empêche de naître et on interdit de mourir. Les modes de vie, les idées et les hommes. Dans les deux cas, je me méfie. Il est facile de préférer ce qui émerge, ce qui prend forme, ce qui promet. Il est facile de renvoyer ce qui dure, ce qui s’épuise, ce qui s’achève, à l’oubli. Et comme par symétrie, ce n’est jamais très compliqué de faire honte à ce qui apparaît. C’est impur, imparfait, naïf, gorgée de contradictions. On peut toujours lui faire la leçon. Une nouvelle façon de faire, de dire, de chanter, de croire, un enfant, une génération, un mouvement. On a toujours la tentation de préférer les êtres qui se souviennent ; les oeuvres fidèles à ce qu’on a connu ; les idées qui conservent le passé.
Et bien il y a deux types d’homme que j’essaie de ne pas être : d’abord l’homme forcé à la mélancolie, hanté par les crépuscules ; l’homme qui devine déjà la tombe dans le berceau. Par avance, il juge de ce qui né, du point de vue de la déception de ce que cela lui causera. Il est inquiet et ne parle plus que des conséquences de tout ça. L’autre, c’est l’homme forcé à la joie, obsédé par ce qui est en train d’émerger ; l’homme qui fait honte à tout ce qui vieillit ; celui qui ne reconnaît que des printemps et qui vit sans hiver. J’essaie de ne vivre et de ne penser ni comme le premier, ni comme le second. Tout ce que je souhaite, c’est de pouvoir aimer également ce qui commence et ce qui finit sans faire semblant, sans faire passer un effondrement pour une révélation, ni une gestation pour une agonie. » Tristan Garcia
Merci Chris ! Superbe texte