Le lien de la vie et de la mort : ce que Jaurès, Saint-Exupéry, Camus et De Gaulle ont encore à nous dire.
La vie a-t-elle un sens si on ne la relie pas avec la mort ? A-t-elle un sens si elle n’a pas un début et une fin ? Lorsqu’il rêve de transhumanisme, l’être humain se déshumanise. La Covid 19 et tous les apprentis sorciers qui nous gouvernent par la peur afin d’éteindre les bougies de la contestation et la vraie pandémie sociale qui nous menace, nous rendent service en nous incitant à réfléchir sur le sens de notre existence. « Perdre la vie est peu de chose et j’aurai ce courage quand il le faudra. Mais voir se dissiper le sens de cette vie, disparaître notre raison d’existence, voilà ce qui est insupportable. On ne peut vivre sans raison. » nous disait Albert Camus dans son Caligula. Tout notre drame contemporain se résume dans notre peur stérile de la mort et dans le triomphe provisoire de la matière sur l’esprit, par conséquent de notre corps sur notre esprit. Nous interdire toute prise de risque, c’est nous transformer en troupeau résigné, en «bétail doux, poli et tranquille» pour reprendre l’expression d’Antoine de Saint-Exupéry. Le taux de la mortalité véritablement imputable à la COVID 19 reste globalement dérisoire, si on le compare à celui de toutes les pandémies qui ont ravagé notre histoire. Mais il est encore trop insupportable à ceux d’entre nous qui ont peur de perdre les voix de leurs électeurs, à une époque où nos outils de communication sont devenus des sismographes mortifères. Les derniers mots manuscrits de Charles de Gaulle qui continuait à rédiger ses mémoires d’espoir le lundi 9 novembre 1970, le matin du jour de sa mort, sont les suivants : « Comment n’aurais-je pas appris que ce qui est salutaire à la nation ne va pas sans blâmes dans l’opinion, ni sans pertes dans l’élection ? ». Il faut ici rappeler une phrase déterminante d’Antoine de Saint-Exupéry dans sa lettre à Nelly de Vogüé, écrite à Los Angeles le 8 septembre 1941 : « Je veux vite devenir autre chose que moi. Je ne m’intéresse plus. Mes dents, mon foie, le reste, tout ça est vermoulu, et n’a aucun intérêt en soi. Je veux être autre chose que ça quand il faudra mourir ». L’aviateur-écrivain nous a fait le don de sa vie aux commandes de son avion, le 31 juillet 1944. Et c’est Petit Prince qui a formulé l’essentiel en tirant sa révérence : « J’aurai l’air d’être mort et ce ne sera pas vrai…Tu comprends. C’est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là. C’est trop lourd. Mais ce sera comme une vieille écorce abandonnée. Ce n’est pas triste les vieilles écorces… ». Le vrai virus n’est pas celui qui met notre corps périssable en danger de mort. Il est celui qui pourrait éteindre notre force d’âme en nous faisant renoncer à croire aux forces de l’esprit. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler la conclusion du discours de Jean Jaurès prononcé à la distribution des prix du Lycée d’Albi, en juillet 1903 : « Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. » Charles de Gaulle annonçait dès novembre 1941 le véritable enjeu qui conditionnerait la survie de l’humanité à l’aube d’un 21èmesiècle qu’il ne connaîtrait pas : « Assurer en définitive le triomphe de l’esprit sur la matière ».
Merci Thierry pour ce texte on ne peut plus d’actualité !